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L'essentiel est dans la contradiction

Le manquement à l’obligation essentielle ne suffit pas à écarter la clause limitative de responsabilité : encore faut-il que cette clause contredise la portée de l'obligation essentielle ! Telle est l’importante question, tant d’un point de vue économique que juridique, que tranche cette décision rendue le 29 juin 2010 par la Chambre commerciale de la Cour de cassationl…


Une société d’équipements automobiles qui entendait se munir d’un logiciel de production et de gestion commerciale conclut un contrat de licence avec une société de service informatique. Le logiciel définitif n’étant pas encore au point, une solution temporaire fut mise en place : le programme provisoire entraîna cependant de graves difficultés, tandis que logiciel définitif ne fut jamais livré. L’équipementier automobile cessa alors de régler ses redevances. Assigné par le cessionnaire des créances de redevance, le licencié appela le concédant en garantie, avant de l’assigner tout à la fois aux fins de nullité pour dol ou résolution pour inexécution de l’ensemble des contrats signés par les parties.

La Cour d’appel de Versailles admit la responsabilité du concédant, mais cantonna les dommages intérêts par application d’une clause limitative de responsabilité, estimant qu’aucune faute lourde n’était caractérisée (Versailles, 31 mars 2005). Son arrêt fut censuré au motif « qu’en statuant ainsi, alors qu'elle avait, d'abord, constaté que le concédant s'était engagé à livrer la version V 12 du progiciel, objectif final des contrats passés en septembre 1999 et qu'il n'avait exécuté cette obligation de livraison ni en 1999 ni plus tard sans justifier d'un cas de force majeure, puis relevé qu'il n'avait jamais été convenu d'un autre déploiement que celui de la version V 12, ce dont il résulte un manquement à une obligation essentielle de nature à faire échec à l'application de la clause limitative de réparation, la Cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil » (Cass. com., 13 février 2007, pourvoi n°05-17407, Bull. civ. IV, n°43 ; JCP éd. G. 2007, II, 10063, note Y.-M. Sérinet ; Defrénois 2007, p. 1042 obs. R. Libchaber).

L’on aurait pu croire que la Cour de renvoi admettrait benoitement que le manquement à l’obligation essentielle débouchait ipso jure sur la mise à l’écart de la clause limitative de responsabilité. Elle opta cependant pour une réponse plus subtile (CA Paris, 25e ch. A, 26 nov. 2008, JCP ed G. 2009, I 123 obs. P. Stoffel-Munck).

Certes, par un arrêt rendu le 26 novembre 2008, la Cour de Paris admit qu’en ne livrant pas la version définitive du logiciel, le concédant avant manqué à son obligation essentielle. Elle estima cependant que « la clause limitative de réparation, telle qu'elle a été librement négociée et acceptée par [le licencié], équipementier automobile au niveau mondial, rompu aux négociations et averti en matière de clauses limitatives de réparation, n'a pas pour effet de décharger par avance [le concédant] du manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation, mais seulement de fixer un plafond d'indemnisation qui n'est pas dérisoire, puisque égal au montant du prix payé par le contrat au titre du contrat de licences ; qu'en accord entre les parties, il a été expressément stipulé que les prix convenus reflétaient la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résulte ; que [le concédant] avait consenti à une remise de 49 % [au licencié] qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en l'espèce, la clause limitative de réparation ne prive pas [le licencenité] de toute contrepartie et n'a pas pour effet de vider de toute substance l'obligation essentielle incombant à la société Oracle » (CA Paris, 25e ch. A, 26 nov. 2008).

Comme l’écrivait alors notre collègue et ami Philippe Stoffel-Munck sous cet arrêt, « il s'agit d'un net arrêt de résistance car la chambre commerciale n'avait pas cassé l'arrêt initial pour un manque de base légale que viendrait combler ici la cour de Paris par ses constatations de fait. L'arrêt Faurecia était une cassation pour violation de la loi. Dans son optique, l'article 1131 imposait de tenir en échec la clause de responsabilité dès lors qu'était relevé un manquement à une obligation essentielle. C'est à cette doctrine que refusent de se plier les magistrats parisiens ». Aussi l’arrêt fut-il l’objet d’un pourvoi en cassation. Emboitant le pas à ceux qui considéraient que « la prévisibilité de la solution judiciaire sollicite [en pareille matière] plus l'expérience et la sagesse du juriste que son sens du syllogisme » (P. Stoffel-Munck préc.), la Chambre commerciale rejette ici le pourvoi …

Deux moyens étaient notamment articulés qui furent tous les deux écartés, cependant que les autres n’étaient, selon la Cour régulatrice, pas de nature de à permettre l’admission du pourvoi. Examinons-les, l’un après l’autre.

I – « Seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur » - Selon le premier moyen, en substance, l’inexécution, par le débiteur, de l’obligation essentielle à laquelle il s’est contractuellement engagé devait emportait, per se, l’inapplication de la clause limitative d’indemnisation, peu important notamment que la clause ait été librement négociée.

Tout en lui conférant un tour restrictif, la Cour régulatrice reprend quasiment la formule inaugurée par le premier des arrêts Chronopost pour rejeter le pourvoi (Cass. com., 22 oct. 1996 : D. 1997, p. 121, note A. Sériaux ; ibid. somm. p. 175, obs. Ph. Delebecque ; ibid. chron. p. 145, Ch. Larroumet ; Defrénois 1997, p. 333, obs. D. Mazeaud ; JCP G 1997, I, 4002, n° 1, obs. M. Fabre-Magnan ; JCP G 1997, I, 4025, n° 17, obs. G. Viney ; JCP G 1997, II, 22881, note D. Cohen ; J.-P. Chazal, Théorie de la cause et justice contractuelle. À propos de l'arrêt Chronopost : JCP G 1998, I, 152 ; RTD civ. 1997, p. 418, obs. J. Mestre ; Contrats conc. consom. 1997, comm. 24, obs. L. Leveneur) . Selon la décision, en effet, « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle [et non de l'engagement] souscrite par le débiteur ». Ainsi, si les éléments de fait relevés par l’arrêt attestaient de ce qu’il y avait bien eu un manquement à l’obligation essentielle, il n’en restait pas moins, pour résumer, que le montant de l’indemnisation négocié reflétait la répartition du risque et que la limitation de responsabilité qui en résultait n’était pas dérisoire. Dès lors, « la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l’obligation essentielle [du licencié] ». La Cour d’appel avait donc légalement justifié sa décision.

L’enseignement majeur de cet arrêt apparaît clairement : tout manquement à l’obligation essentielle ne débouche pas sur l'éradiction de la clause limitative de responsabilité. Il est nécessaire que le juge constate par ailleurs que la clause limitative de réparation vide de sa substance l’obligation essentielle du débiteur. La solution satisfera sans nul doute ceux qui craignaient que la jurisprudence n’en vienne purement et simplement à rendre inefficace toute clause limitative d’indemnisation : après tout, ces clauses ont leur utilité économique, et n’ont pas nécessairement vocation à vider l’engagement du débiteur de tout contenu.

L’arrêt paraît également s’inscrire dans une politique de la Cour de cassation destinée à encadrer l’éradication des clauses contractuelles par les juges, que cela soit au prétexte d’un manquement à l’obligation essentielle ou encore à la bonne foi contractuelle. Le recours à la substance de l’obligation n’est pas anodin. On se souvient en effet que dans un arrêt du 10 juillet 2007, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait rappelé avec fermeté le principe de l’intangibilité des conventions et l’impossibilité pour le juge de s’immiscer dans le contrat au point d’en changer la substance : « si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et des obligations convenues entre les parties » (Cass. com., 10 Juillet 2007, n°06-14768, Bull. civ. IV, n°188 ; JCP éd. G. 2007, II, 10154, note D. Houtcieff, D. 2007, 2839 note P. Stoffel-Munck, ibid., p.2844 note P.-Y. Gautier ; adde dans le même sens, et tout récemment, Cass. 3e civ. 9 décembre 2009, n°04-19.923, ).

Si l’on peut sans doute se réjouir de la volonté afficher de maintenir la police judiciaire du contrat dans les bornes du raisonnable, l’on peut toutefois s’interroger, décidément, sur l’opportunité du recours à la notion d’ « obligation essentielle », qui recouvre en effet une réalité insaisissable. Ainsi, comme nous l’écrivions ailleurs, « tout se passe comme si l'obligation essentielle était l'excroissance de la cause, qui lui permet de retentir discrètement sur le terrain des effets du contrat en saisissant le comportement d'une partie » (D. Houtcieff, note sous Cass. com. 5 juin 2007, JCP éd. G 2007, II 10145; comp. J. Ghestin, Cause de l'engagement et validité du contrat : LGDJ, 2006, n° 292). L’invocation récente par la jurisprudence des visas des articles 1131 et 1134 du Code civil pour saisir cette obligation essentielle atteste de cette perméabilité contemporaine des frontières entre formation et effets du contrat (v. Cass. com. 5 juin 2007, préc.). Surtout, l’obligation essentielle de chaque contrat n’est déterminée qu’après coup : la prétendue essence du contrat varie avec chaque contrat, ce qui est peu conforme à un élémentaire souci de prévisibilité (v. note sous Cass. com., 5 juin 2007, préc.). Était-il par exemple évident, comme l’a affirmé la Cour de cassation, que la faculté de localiser des colis constituât une obligation essentielle à la charge du simple commissionnaire de transport (v. encore Cass. com., 5 juin 2007)?

Le prétendu « noyau dur du contrat » n’est ainsi identifié qu’à posteriori, moins par un processus objectif que par une volonté de protéger une partie faible. Il faut donc se satisfaire de ce que l’arrêt commenté requiert une condition supplémentaire à l’éradication de la clause limitative d’indemnisation : encore faut-il en effet que la clause « contredise la portée de l'obligation essentielle » ...

La question est rarement posée de savoir ce recouvre précisément une telle contradiction. A suivre la décision commentée, celle-ci viderait « l’obligation essentielle de sa substance ». Il permis de ne pas être pleinement convaincu par les références à l'obligation essentielle et à sa substance. Si elle a en effet le mérite de restituer une certaine cohérence à la jurisprudence, en faisant révérence à la solution inaugurée le 10 juillet 2007 – évoquée plus haut – il n’en reste pas moins que cette « substance » de l’obligation est abstraite et propice à toutes les subjectivités.

Il demeure que le manquement à l’obligation essentielle ne peut suffire à lui seul pour justifier la paralysie d’une quelconque clause. Il faut ici approuver la Cour de cassation. Non seulement la solution contraire n’est économiquement pas acceptable, mais elle est juridiquement impossible. Le critère se trouve cependant à notre sens moins dans la substance de l’obligation que dans la contradiction elle-même. Que la contradiction fût un critère à part en tiers et non une conséquence du manquement à l’obligation essentielle pouvait d'ailleurs déjà se lire dans le premier arrêt Chronopost ! Comme nous l’écrivions voici dix ans déjà, précisément à propos de cet arrêt, « tout raisonnement qui se dispenserait d’une prise en compte de la contradiction affectant l’acte mènerait en effet à la conclusion que la clause est réputée non écrite en raison du manquement – ce qui est impossible –, ou conduirait à déduire la nullité de toute clause limitative de responsabilité – ce qui est évidemment exclu » (Le principe de cohérence en matière contractuelle, préf. H. Muir Watt, PUAM 2001, 2 vol., n°484).

Au-delà du manquement à l’obligation essentielle, c’est la contradiction du débiteur, qui a promis contractuellement et utilise la convention elle-même pour se soustraire à ses effet, qui doit être sanctionnée : pour dire les choses autrement, comme l'écrivait Denis Mazeaud, « on ne peut, sans se contredire au détriment d'autrui, conclure un contrat qui engendre une obligation fondamentale et, dans le même temps, imposer une clause dont le jeu revient, peu ou prou, à neutraliser celle-ci » (D. Mazeaud, obs. sous Cass. com., 8 mars 2005, RDC 2005, p. 1015).

Au vrai, on peut légitimement souhaiter que l’obligation essentielle quitte peu à peu la scène. Elle contribue en effet davantage à obscurcir le débat qu’à l’éclairer, en masquant la réalité de la contradiction sanctionnée. Ajoutons que la notion d’obligation essentielle est décidément fuyante, ce dont atteste à sa manière la réponse faite par la Cour régulatrice au troisième moyen articulé par le demandeur.

II - « la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ». - Le concédant prétendait en substance que le manquement à une obligation essentielle constituait une faute d’une gravité telle qu’elle aurait du tenir en échec la clause limitative de réparation. Bref, selon le moyen, le manquement à l’obligation essentielle devait être assimilé à une faute lourde. De manière prévisible, la Cour régulatrice rejette également ce moyen, affirmant sèchement que «la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ».

L’assimilation de la faute lourde au manquement à l’obligation essentielle est impossible, dès lors que ce dernier est impuissant à lui seul à éradiquer la clause limitative. La faute lourde paralyse par-elle-même et en toutes hypothèses les clauses restrictives de responsabilité : elle ne saurait donc se déduire du seul manquement à l’obligation essentielle qui doit, pour parvenir au même résultat – et à condition que la clause ne soit pas d’origine légale ou réglementaire – se doubler d’une contradiction à la portée de l’engagement.

Et pourtant !

L’autonomie contemporaine de la faute lourde et de l’obligation essentielle est récente (v. sur ce point, D. Houtcieff, « Le régime des clauses limitatives de responsabilité est-il satisfaisant ? » RDC 2008, p.1020). Et cette autonomie n’est rien moins qu’évidente : l’obligation essentielle n’était-elle pas originairement un critère de la faute lourde (R. Roblot, « De la faute lourde en droit privé français », no 23 ; adde par ex. Cass. civ. 1re, 18 janv. 1984, RTD civ. 1984, p. 727, obs. J. Huet ). L’obligation essentielle ne s’émancipa qu’il y a une quinzaine d’année, avant de conquérir tout à fait son indépendance (Cass. civ. 1re, 23 févr. 1994, Bull. civ. I, no 76, JCP G 1994, 1, 3809, no 15, obs. G. Viney, D. 1995, jur., p. 214, note N. Dion).

A mesure qu’elle a conquis son autonomie à l’égard de la faute lourde, l’obligation essentielle a perdu de sa force. Ainsi le manquement à l'obligation essentielle, fût-il doublé d’une contradiction de l’engagement, est-il impuissant à éradiquer les clauses dérivant de contrats types d'origine légale ou réglementaire, tels que ceux prévus à l'article 8, II, de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 (Cass. com., 9 juill. 2002, JCP G 2002, II, 10176, note M. Billiau et G. Loiseau ; Cass. ch. mixte, 22 avr. 2005, JCP G 2005, II, 10066, note G. Loiseau, Contrats, conc. consom. 2005, comm. 150, obs. L. Leveneur, RDC 2005, p. 681, obs. D. Mazeaud, et p. 753, obs. Ph. Delebecque).

A bien y réfléchir, non seulement elle est historiquement et théoriquement contestable, mais la dissociation de l'obligation essentielle et de la faute lourde est pratiquement regrettable : l'une constituait en effet un utile critère de l'autre, la « gravité du comportement » étant une notion toute subjective. Plutôt que de les distinguer, mieux vaudrait réunir ces notions autour de leur unité fonctionnelle. « Dol, faute lourde et manquement à l'obligation essentielle tendent à une même pragmatique sanction : empêcher que le débiteur ne s'arroge une faculté d'exécution potestative du contrat » (« Le régime des clauses limitatives de responsabilité est-il satisfaisant ? » RDC 2008, p.1020, préc. spéc. n°14 et les références citées). Faute lourde ou manquement à l’obligation essentielle vidant le contrat de sa substance, c’est tout un ! Chacune tend à sanctionner le comportement consistant à « contredire la portée de l’engagement ou de l'obligation essentielle », et par lequel le contractant tente de justifier par la clause de responsabilité – c'est-à-dire le contrat lui-même – une inexécution crasse de la conventiont.

Dépouillé la contradiction des oripeaux de la faute lourde ou du manquement à l’obligation essentielle aurait dès lors ses avantages, ne serait-ce que sur le terrain de la sanction. Il demeure en effet difficile de se convaincre tout à fait de ce qu’une clause, originellement valable semble-t-il, soit réputée non-écrite en raison d’un manquement au contrat. Mieux vaudrait la contradiction plutôt que ces circonvolutions. Il est décidément temps de lever le voile de l'obligation essentielle qui obscurcit ce raisonnement ! La contradiction toute nue devrait suffire à paralyser la clause limitative d’une fin de non-recevoir.

 

ANNEXE

Arrêt n° 732 du 29 juin 2010 (09-11.841) - Cour de cassation - Chambre commerciale, financière et économique

Rejet

Demandeur(s) : La société Faurecia sièges d'Automobiles

Défendeur(s) : La société Oracle France

 

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2008), que la société Faurecia sièges d’automobiles (la société Faurecia), alors dénommée Bertrand Faure équipements, a souhaité en 1997 déployer sur ses sites un logiciel intégré couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale ; qu’elle a choisi le logiciel V 12, proposé par la société Oracle mais qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999 ; qu’un contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation ont été conclus le 29 mai 1998 entre les sociétés Faurecia et Oracle, tandis qu’un contrat de mise en oeuvre du “programme Oracle applications” a été signé courant juillet 1998 entre ces sociétés ; qu’en attendant, les sites ibériques de la société Faurecia ayant besoin d’un changement de logiciel pour passer l’an 2000, une solution provisoire a été installée ; qu’aux motifs que la solution provisoire connaissait de graves difficultés et que la version V 12 ne lui était pas livrée, la société Faurecia a cessé de régler les redevances ; qu’assignée en paiement par la société Franfinance, à laquelle la société Oracle avait cédé ces redevances, la société Faurecia a appelé en garantie la société Oracle puis a assigné cette dernière aux fins de nullité pour dol ou résolution pour inexécution de l’ensemble des contrats signés par les parties ; que la cour d’appel a, par application d’une clause des conventions conclues entre les parties, limité la condamnation de la société Oracle envers la société Faurecia à la garantie de la condamnation de celle-ci envers la société Franfinance et rejeté les autres demandes de la société Faurecia ; que cet arrêt a été partiellement cassé de ce chef (chambre commerciale, financière et économique, 13 février 2007, pourvoi n° Z 05-17.407) ; que, statuant sur renvoi après cassation, la cour d’appel, faisant application de la clause limitative de réparation, a condamné la société Oracle à garantir la société Faurecia de sa condamnation à payer à la société Franfinance la somme de 203 312 euros avec intérêts au taux contractuel légal de 1,5 % par mois à compter du 1er mars 2001 et capitalisation des intérêts échus dans les termes de l’article 1154 à compter du 1er mars 2002 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Faurecia fait grief à l’arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1°/ que l’inexécution, par le débiteur, de l’obligation essentielle à laquelle il s’est contractuellement engagé emporte l’inapplication de la clause limitative d’indemnisation ; qu’en faisant application de la clause limitative de responsabilité après avoir jugé que la société Oracle avait manqué à l’obligation essentielle tenant à la livraison de la version V 12 en 1999, laquelle n’avait pas été livrée à la date convenue, ni plus tard et que la société Oracle ne démontrait aucune faute imputable à la société Faurecia qui l’aurait empêchée d’accomplir ses obligations, ni aucun cas de force majeure, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 1131, 1134 et 1147 du code civil ;

2°/ qu’en jugeant que la clause limitative de responsabilité aurait été prétendument valable en ce qu’elle aurait été librement négociée et acceptée et qu’elle n’aurait pas été imposée à Faurecia, la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant, violant ainsi les articles 1131, 1134, 1147 du code civil ;

3°/ qu’en jugeant que la clause, qui fixait un plafond d’indemnisation égal au montant du prix payé par Faurecia au titre du contrat des licences n’était pas dérisoire et n’avait pas pour effet de décharger par avance la société Oracle du manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation, la cour d’appel a violé les articles 1131, 1134, 1147 du code civil ;

Mais attendu que seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que l’arrêt relève que si la société Oracle a manqué à une obligation essentielle du contrat, le montant de l’indemnisation négocié aux termes d’une clause stipulant que les prix convenus reflètent la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résultait, n’était pas dérisoire, que la société Oracle a consenti un taux de remise de 49 %, que le contrat prévoit que la société Faurecia sera le principal représentant européen participant à un comité destiné à mener une étude globale afin de développer un produit Oracle pour le secteur automobile et bénéficiera d’un statut préférentiel lors de la définition des exigences nécessaires à une continuelle amélioration de la solution automobile d’Oracle pour la version V 12 d’Oracles applications ; que la cour d’appel en a déduit que la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l’obligation essentielle de la société Oracle et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Faurecia fait encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, qu’après avoir constaté que la société Oracle n’avait pas livré la version V 12, en considération de laquelle la société Faurecia avait signé les contrats de licences, de support technique, de formation et de mise en oeuvre du programme Oracle applications, qu’elle avait ainsi manqué à une obligation essentielle et ne démontrait aucune faute imputable à la société Faurecia qui l’aurait empêchée d’accomplir ses obligations, ni aucun cas de force majeure, la cour d’appel a jugé que n’était pas rapportée la preuve d’une faute d’une gravité telle qu’elle tiendrait en échec la clause limitative de réparation ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles 1134, 1147 et 1150 du code civil ;

Mais attendu que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que les deuxième et quatrième moyens ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

 

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