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Le vendeur professionnel porte conseil...

Il appartient au vendeur professionnel de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de conseil. Ceci peut impliquer la preuve de ce qu’il s’est lui-même renseigné sur les besoins de son cocontractant : tel est l’enseignement, à la vérité bien peu surprenant, de cet arrêt rendu le 28 octobre 2010 par la première chambre civile de la Cour de cassation.


Un couple achète auprès d’une société un lot de carreaux afin de les poser autour de leur piscine. Or, voici que nombre de carreaux posés se délitent. Marris, les acheteurs en informent la société venderesse : celle-ci procède, sans désemparer, au remplacement une partie du carrelage. Mais il était écrit que l’enfer du carreleur serait pavé de ses bonnes intentions : les carreaux nouveaux se délitent à leur tour. Echaudés, les acheteurs sollicitent un expert : celui-ci leur apprend alors que les carreaux se décomposent au contact de l’eau, traitée par électrolyse, de leur propre piscine….

Les acheteurs n’entendant pas rester sur le carreau, ils invoquent la responsabilité contractuelle du vendeur. Les juges du fond les déboutent : « il n’était pas établi que le vendeur avait été informé par les époux de l’utilisation spécifique, s’agissant du pourtour d’une piscine, qu’ils voulaient faire du carrelage acquis en 2003 ». Cette motivation leur vaut la douche froide d’une censure sous le double visa des articles 1147 et 1315 du Code civil : « il incombe au vendeur professionnel de prouver qu’il s’est acquitté de l’obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation de la chose proposée à l’utilisation qui en est prévue ».

Cette décision ne surprend guère, qui s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel univoque.

Elle ne surprend pas d’abord, en ce qu’elle charge le vendeur professionnel d’une obligation de conseil. Sans doute peut-on comprendre la position des juges du fond : n’est-il pas classiquement admis que chacun a le devoir de se renseigner (P. Jourdain, Le devoir de se renseigner, D. 1983, chr., p. 139) ? N’enseigne-t-on encore pas qu’il appartient à l’acheteur d’être curieux - « emptor debet esse curiosus » - ? La première Chambre civile a cependant affirmé à maintes reprises l’existence d’un devoir de conseil à l’égard du vendeur, dès lors que la compétence de l’acheteur ne lui permet pas « d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du dispositif en cause »( v. par ex. Cass. 1re civ., 20 juin 1995, n°93-15.948, Bull. civ. I, no 277 ; RTD civ. 1996, p. 387, obs. J. Mestre ; Cass. com., 5 oct. 1999, n°97-17.166).

La décision ne surprend pas non plus, ensuite, en tant qu’elle fait peser sur le professionnel la charge de la preuve de ce qu’il s’est acquitté de son obligation de conseil. On reconnaît là une position admise voici plus de dix ans et réaffirmée depuis, suivant laquelle « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de (son) obligation » (Cass. 1re civ., 25 févr. 1997, no 94-19.685, Bull. civ. I, no 75, Contrats, conc., consom. 1997, comm. n° 76, note L. Leveneur, Defrénois 1997, art. 36591, note J.-L. Aubert, RTD civ. 1997, p. 924, obs. J. Mestre). Cette jurisprudence s’est depuis incarnée dans la loi : l’article L.111-1 III du Code la consommation fait peser la charge de la preuve de l'exécution de l’obligation d'information sur le vendeur professionnel (L. n° 2009-526 du 12 mai 2009, JO 13 mai, art. 21).

Cette décision ne surprend pas, enfin, en ce affirme qu’il appartient au débiteur de l’obligation de conseil de se renseigner lui-même au préalable. A cet égard non plus, la solution n’est pas nouvelle : « celui qui a accepté de donner des renseignements a lui-même l'obligation de s'informer pour informer en connaissance de cause »(Cass. 2e civ., 19 oct. 1994, no 92-21.543 ; Cass. 2e civ., 19 juin 1996, no 94-12.777 ). L’obligation de conseil implique par évidence une connaissance précise de l’usage que l’acheteur entend faire du bien, afin de l’alerter quant à ses inconvénients ou ses dangers, ou même de le dissuader du contrat (Cass. 1re civ., 23 avr. 1985, no 83-17.282, RTD civ. 1986, p. 339, obs. J. Mestre ; Cass. 1re civ., 4 mai 1994, no 92-13.377 ; Cass. com., 18 janv. 2000, no 97-10.720). Aussi bien, depuis près d’une décennie, la Cour régulatrice affirme que « tout vendeur d'un matériel doit, afin que la vente soit conclue en connaissance de cause, s'informer des besoins de l'acheteur et informer ensuite celui-ci » (Cass. com., 1er déc. 1992, no 90-18.238, Bull. civ. IV, n° 391 ; Cass. com., 4 janv. 2005, no 03-16.790 ; ), ceci dans les limites de « son domaine de compétence technique » (Cass. 1re civ., 25 juin 2002, no 99-15.915, Bull. civ. I, no 177). Au vrai, c’est un devoir de mise en garde qui semble peser sur le vendeur professionnel et sans doute – quoique le présent arrêt ne suffise pas pour s’en convaincre tout à fait – sur le professionnel en général.

Rien ne nouveau sous le soleil donc. A un certain étiolement de l’obligation de se renseigner de l’acheteur (v. par ex. Cass. 1re civ., 3 mai 2000, n° 98-11.381, Bull. civ. I, n° 131) répondent le renforcement et l’élargissement de l’obligation de conseil du vendeur professionnel. Quant au devoir de se renseigner, en tant qu’il est préalable à l’exécution même de l’obligation de conseil, il s'en distingue mal : peut-être faut-il y plutôt y voir une « incombance », en suivant une doctrine à la mode, qu’une véritable obligation

 

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Arrêt n° 951 du 28 octobre 2010 (09-16.913) - Cour de cassation - Première chambre civile

 

Cassation

 

Demandeur(s) : Les époux X...

Défendeur(s) : La société Ateliers de la terre cuite ; La société Generali

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1147 et 1315 du code civil ;

Attendu que M. et Mme X... ont acheté à la société Ateliers de la terre cuite (la société ATC) divers lots de carrelage ; qu’ayant constaté la désagrégation des carreaux qui avaient été posés autour de leur piscine, ils en ont informé la société ATC qui a procédé à un remplacement partiel du carrelage ; que le phénomène persistant, les époux X... ont obtenu la désignation d’un expert dont le rapport a fait apparaître que les désordres étaient liés à l’incompatibilité entre la terre cuite et le traitement de l’eau de la piscine effectué selon le procédé de l’électrolyse au sel, puis, afin d’être indemnisés, ils ont assigné le vendeur qui a attrait en la cause son assureur, la société Generali assurances ;

Attendu que pour rejeter la demande fondée sur l’article 1147 du code civil, la cour d’appel a énoncé que s’il appartient au vendeur professionnel de fournir à son client toutes les informations utiles et de le conseiller sur le choix approprié en fonction de l’usage auquel le produit est destiné, en s’informant si nécessaire des besoins de son client, il appartient également à ce dernier d’informer son vendeur de l’emploi qui sera fait de la marchandise commandée puis a retenu qu’il n’était pas établi que le vendeur eût été informé par les époux X... de l’utilisation spécifique, s’agissant du pourtour d’une piscine, qu’ils voulaient faire du carrelage acquis en 2003, de même type que celui dont ils avaient fait précédemment l’acquisition ;

Qu’en statuant ainsi alors qu’il incombe au vendeur professionnel de prouver qu’il s’est acquitté de l’obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation de la chose proposée à l’utilisation qui en est prévue, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

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