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Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. Et je l’ai trouvée amère. Et je l’ai injuriée.

Le titre de ce billet est volontairement trompeur. Il n’a vocation qu’à recouvrir d’un vernis culturel les lignes honteusement racoleuses qui vont suivre... Les statistiques de fréquentation de ce blog décroissant lamentablement durant cette période festive, me voici contraint de sombrer dans le « People », en tentant une réponse à cette angoissante question : Miss France doit-elle être destituée ?

Commençons par un bref rappel des faits, tant je suis certain que mes estimables lecteurs préfèrent les programmes d’Arte - lorsqu'ils ont la télévision - aux contenus estampillés Endemol. Dans la nuit froide du 8 décembre 2007, la ravissante Valérie Bègue est élue Miss France, à la suite d’une élégante cérémonie populacière, façon Sissi impératrice à Disneyland... Quelques temps après, le « Canard enchaîné de la télévision », je veux dire le magazine Entrevue, dixit son directeur de publication – ce qui amusera les lecteurs réguliers de l’Entrevue de la politique… - publie des photographies compromettantes de la charmante Miss France. Encore la déception guette-t-elle celui qui n’a pas pu voir encore ces clichés : point de photographies de nue ici, tout juste quelques poses un brin lascives à l’érotisme prépubère d’une campagne publicitaire pour les produits laitiers, et – surtout semble-t-il – une photographie de la future Miss posant crucifiée dans une piscine. Ces clichés étaient – semble-t-il aussi - bien connus des réunionnais, puisqu’ils avaient illustré une campagne publicitaire pour une marque – dont la notoriété est désormais nationale – la marque « Pardon »…

La réaction de Madame de Fontenay fut outrée et outrancière. Lisons-là – ce qui vaut toujours mieux que de l’écouter – sur le site de son fan club (si, si) : « Chers internautes,Ce que vous ne savez pas, c’est que Valérie BEGUE ne voulait pas venir à Dunkerque, c’est moi qui lui ai demandé de remplir son engagement en qualité de Miss REUNION. Elle avait certifié qu’elle n’avait jamais posé dans des situations équivoques ce qui explique peut-être pourquoi elle ne voulait plus être candidate à l’élection de Miss France ! Ces photos la suivront toute sa vie et l’image de dignité et de respect à laquelle je suis rigoureusement attachée ne peut être entachée – ndla : le lapsus est révélateur et d'origine – par des photos en deux pièces sur une Croix ou sans slip dans l’eau ». Ces propos sont suivis de l’évocation des mails d’insultes reçus par la Présidente du Comité Miss France…

La question s’est donc posée d’une éventuelle sanction de Valérie Bègue. Voilà qui imposait à un juriste dont le sérieux ne sera plus à démontrer après ce billet de se pencher sur les textes applicables : les règlements du concours Miss France.

On trouve d’abord ici le règlement de l’élection nationale. On y apprend peu de choses. Les conditions de participation ne font pas référence à la moralité des jeunes filles, ce dont on peut se convaincre en lisant l’article 1 ci-dessous reproduit :

« Article 1 – Conditions de participation

L’Election Nationale Miss France 2008 met en compétition 36 candidates préalablement élues miss régionale en France sous l’égide du Comité Miss France.

Pour pouvoir participer à l’Election Nationale, chacune des 36 candidates devra répondre aux conditions suivantes : - avoir été régulièrement et valablement élue au plan régional dans le cadre d’une élection régionale sous l’égide du Comité Miss France ; - être née de sexe féminin, - ne pas avoir subi de transformations majeures de ses caractéristiques physiques sur la base desquelles elle a été élue dans le cadre de son élection régionale, - être de nationalité française, être âgée de 18 à 25 ans, être d’une taille minimum d’1m70 sans talons, être célibataire, sans enfant ne pas avoir participé à des concours nationaux et/ou internationaux similaires ou identiques au concours Miss France et/ou à des concours contraires aux valeurs de Miss France et/ou de la marque Miss France ».

Seule la non-participation à des concours contraires « aux valeurs de Miss France » est requise. L’article 7.1 est plus intéressant : «  Chaque candidate ne participe à l’Election Nationale que parce qu’elle le désire. Elle n’a aucune obligation d’y participer ni de poursuivre cette participation et peut décider d’interrompre sa participation à l’Election Nationale à tout moment, si elle le désire. En ce cas, elle sera simplement disqualifiée de l’Election Nationale. Dans l’hypothèse où une Candidate souhaiterait mettre fin à sa participation à l’Election Nationale, il lui appartiendra d’avertir la Société Miss France de son intention. La Société organisera, au besoin, le départ de la candidate le plus promptement possible ». On se demande alors pourquoi Madame de Fontenay affirme avoir « rappelé ses engagements à la Miss », puisque le Règlement lui-même n’en prévoyait guère…

Bref, rien ne prévoit directement la question des photos équivoques… L’article 1 précise cependant que les Miss doivent avoir été « régulièrement et valablement » élues au plan régionale, ce qui impose de consulter le Règlement des élections régionales, lequel est plus précis. On en trouvera un exemplaire ici , même s’il est évidemment difficile d’en garantir le caractère « officiel ».

Selon l’article 1. « Sont admises à participer aux élections primaires (élections locales et/ou départementales), puis aux finales régionales précédant l’élection nationale de Miss France, les personnes nées de sexe féminin, françaises de naissance ou naturalisées, de race ou de religion indifférentes (sic), scolarisées (resic), âgées de 18 à 25 ans à la date du 15 novembre de l’année en cours, d’une taille minimum d’1m70 sans talons, sans tatouage ni piercing, célibataires, ni divorcées, ni veuves, sans enfant. L’inscription au concours est gratuite ».

Selon l’article 2, qui concerne plus directement la question cruciale qui nous occupe : « la Candidate, d’excellente réputation et moralité et de bonne culture générale, certifie n’avoir fait l’objet d’aucune poursuite et/ou condamnation pénale ». Réaliste, s’il requiert une candidate « d’excellente réputation et moralité », le comité se contente d’une « bonne culture générale ». Dans l’un et l’autre cas, il est vrai, les qualités requises sont trop subjectives pour avoir un véritable contenu, sauf à ce que – comme le prévoit l’article – l’éventuelle miss se soit rendue coupable d’un comportement pénalement répréhensible…

Poursuivons. Selon l’article 8 «  La Candidate reconnaît n’avoir jamais posé ou de s’être exhibée et s’interdit de poser dans des tenues ou poses équivoques, ou totalement dénudée. Elle s’engage (1) à se comporter en toutes circonstances et en tout lieu avec grâce, élégance et dignité (2), à ne pas fumer ni consommer de l’alcool ou des produits psychotropes lors de représentations publiques (3), à n’utiliser ni son titre, ni les attributs afférents à celui-ci (écharpes, couronne, etc.) à des fins de propagande ou militantisme politique, idéologique ou religieux ». Autant rentrer dans les ordres… On est en tous les cas  définitivement convaincu que ce règlement ne s’applique pas à ce soutien actif d’Arlette Laguiller qu’est Geneviève de Fontenay…

Quoi qu’il en soit, la sanction  de cette stipulation est posée par l’article 12 : « En cas de non respect des dispositions ci-dessus, l’élue locale, départementale ou régionale pourra être suspendue ou destituée par le CMF sans préjudice de tous dommages et intérêts. Elle devra alors restituer au CMF les cadeaux reçus qui seront remis, ainsi que son titre, à l’une de ses dauphines ». Voici donc une sorte de clause résolutoire. Encore est-elle rédigée de manière équivoque : si des restitutions sont prévues, le contrat n’est pas anéanti, puisque la miss est destituée, ce qui implique qu’elle a été Miss. Somme toute, le Comité Miss France peut tout, sauf faire qu’une Miss France ne l’est pas été…

L’article 8 a-t-il été respecté par Miss France ? Les photographies considérées n’étant pas « totalement dénudées », il faut s’interroger sur la question de savoir. si les poses de Valérie Bègue sont « équivoques ». Le terme est lui-même suffisamment équivoque pour que la réponse ne soit pas si évidente et qu'elle soit toute subjective.

Quoi qu’en dise Madame de Fontenay, il sera difficile de soutenir que la pose en crucifixion a paru équivoque au Comité, celui-ci ayant semble-t-il – me voilà contraint d’admettre que j’ai manqué cette émission – fait défiler les Miss déguisées en anges et faisant mine de sortir d’une cathédrale, le tout sur une musique de Madonna (Like A Prayer...)  ! « Le blasphème est un horrible péché qui consiste en paroles ou actes de mépris ou de malédiction contre Dieu, la sainte Vierge, les Saints, ou contre les choses saintes » dit le Cathéchisme de Saint Pie X : il y a là un blasphème équivalent à celui reproché à Miss France : avant de lui enlever la brindille qu’elle a dans ses jolies yeux… Un élémentaire souci de cohérence – que l’auteur de ce billet a développé dans un ouvrage que l’on peut se procurer ci-contre pour un prix ridicule - rend donc difficile l’invocation du blasphème par le comité Miss France. Reste les quelques photos en Miss T-Shirt mouillé : l’appréciation du Comité Miss France éclairera sur les fameuses « valeurs » qu’il promeut…

Le contrat passé par la Miss pourrait-il faire l’objet d’autres contestations ? La nullité du contrat pourrait-elle par exemple être invoquée par le Comité ? Ce n’est pas certain : il est tentant de penser que l’erreur éventuelle sur les qualités de Melle Bègue est inexcusable, puisque les photos était bien connues. Certes, il serait certainement tentant pour le comité de se prévaloir de la réticence dolosive : encore faudrait-il démontrer que Mademoiselle Bègue avait une obligation d’information à l’endroit du Comité Miss France, ceci alors que ce dernier était en quelque sorte, un professionnel averti et que l’information considérée était librement accessible à tous. Voire ! N’est-ce pas Madame de Fontenay elle-même qui, de son propre aveu, a insisté pour faire participer Miss Réunion au concours alors qu’elle voulait renoncer…

Bref, on le voit, il paraît peu probable que le Comité Miss France destitue Mademoiselle Bègue, encore moins qu’elle sollicite la nullité du contrat. Probablement se reportera-t-il sur une suspension, afin d’éviter de perdre la face sur un plan médiatique. La réponse dans depuis quelques heures… : QED !

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